Mot du président

Vincent Taloche

Autant le rire est universel, autant l’humour présente des caractéristiques singulières. L’humour, compris comme étant la production d’un geste, d’un récit, d’un spectacle comique, peut se présenter sous une multiplicité de formes qui n’ont en commun qu’un seul et même objectif : susciter volontairement le rire. C’est en ce sens que le terme « humour » est ici utilisé. Il ne s’agit donc pas de la disposition d’esprit d’une personne dont on pourrait dire qu’elle a, ou non, de l’humour. De même, le « comique » visé n’est pas involontaire (une chute, par exemple). Il n’est pas non plus occasionnel, comme c’est le cas d’une personne racontant une histoire drôle à des amis. Non, ce qui est ici pris en considération est un « comique » issu du travail humoristique accompli par un créateur ou par une équipe de créateurs. C’est pour cette raison que parmi les pays francophones, le Québec n’hésite pas à parler des « professionnels de l’industrie de l’humour », même si cette appellation peut surprendre.

Rappeler cette dimension professionnelle est absolument nécessaire. Quelle que soit la discipline dans laquelle s’exerce cette dimension professionnelle, c’est celle-ci que le présent projet de Fédération des Professionnels de l’Humour entend préserver, favoriser et développer.

Le medium utilisé ne porte pas à conséquence, si ce n’est pour des aspects techniques : seule importe la volonté de créer un « produit » dont la finalité est de susciter le rire du public atteint. Ce public peut être un individu solitaire lisant un magazine, écoutant la radio, regardant la télévision ou son écran d’ordinateur. Il peut être regroupé dans une salle de spectacle ou dans tout autre lieu prévu pour cela. Le public peut également être improvisé, en rue par exemple, à un carrefour…
Toutefois, aussi diversifié puisse être le public, aussi restreint ou nombreux, aussi localisé ou disséminé soit-il, le public fait partie intégrante du phénomène de production. Le créateur d’humour s’adresse nécessairement au public qu’il ambitionne de faire rire. A fortiori lorsque celui-ci n’est pas le public en général, mais un public déterminé : c’est le cas lorsque le produit humoristique est présenté à des personnes fragilisées comme des enfants malades, des élèves en décrochage, des orphelins, des personnes âgées… ou des personnes en situation difficile comme dans les prisons. Le public peut aussi être culturellement identifié, appartenir à une autre tradition culturelle…
En fait, qu’il s’agisse d’un humour ironique, surréaliste, burlesque, facétieux, stéréotypé (humour belge, juif, corse…), vulgaire, populaire, sexuel… seul est déterminant le talent. Or, ce talent, considéré comme étant une qualité décisive de la dimension professionnelle évoquée ci-dessus, est certes en partie inné mais est également une qualité qui s’apprend, se travaille, se perfectionne.

En d’autres termes, la création humoristique dans toute sa diversité a besoin d’un lieu d’expertise, d’enseignement qui s’impose comme la référence pour tous les secteurs de la formation dans les différentes disciplines humoristiques.

Le rire, qui exprime nos émotions les plus heureuses, est un des rares trésors dignes de l’humanité. Il est à préserver de tous les obscurantismes.
Faire rire est un don de la vie !

Vincent Taloche
Président de la FBPH